dimanche 17 février 2013

Dros u Buw!


Il est des matins sereins ou rien ne peut plus vous atteindre, ou l’horizon bien que toujours identique vous parait différent.
Ce matin là était arrivé pour Morrigun, dans ses prunelles s'élevaient les premières fumées épaisses des forges et des buchers d’Isengard. Du haut de son perchoir elle avait une vue admirable sur la machine de guerre d’isengard. Finalement, elle s’était accommodé de cette vue.

Morrigun avait fini par trouver des occupations; elle avait pris un malin plaisir à découper les robes offertes pour en faire des langes et des vêtements pour son enfant. Des têtes offertes, elle avait récupéré les cheveux, pour les tisser dans une écharpe qu’elle portait en permanence à son coup ou nouée à sa taille. Chaque fois qu’elle voyait un daen dans la cour ou du haut du fenestron elle serrai dans sa main l’étoffe en murmurant.

“Dudu i dim un eu hoffi;
Mamdaear sy'n madau.”

(Je ne suis pas comme eux;
Que Mamdaear les pardonne.)

Le temps passait infini dans ce petit havre de paix en Isengard. Morrigun avait toujours un sourire pour ses geôliers, pour les orques et même les ouargues de passage. Souvent on l’autorisait a descendre dans la cour prendre l’air frais. En fait personne ne sait pourquoi, elle y était autorisé. Sans doute le vieux fou avait eut pitié d’elle ou était ce une ruse de sa part pour la confronter à la dure réalité des choses: jamais elle ne pourrait partir. 

Les jours passaient, un à un sans que Morrigun les compte. Morrigun avait finalement accepté les instruments de Carranog et jouait souvent seule des berceuses. Parfois, quand la rancoeur a l’égard de son ami était en berne: ils jouaient ensemble quelques pièces du passé, de leur enfance. Ils partaient alors parfois en de grands éclats de rire en songeant a ces moments heureux. Souvent ces moments de complicité était tenu en échec par l’insistance de Carranog. Ses mots doux buttaient contre la ténacité de “sa douce”, et Morrigun mettait un terme a l’entrevue. Carranog espérait encore, insistant sans doute poussé par son maitre ou ses pulsions.

Morrigun avait rarement le vague à l’âme, dans sa tête un bouillonnement incessant de scenari défilaient. Elle y voyait le pire comme le meilleur. Le meilleur était le terme de tout ceci, la petite maison accrochée à la montagne et l’enfant qu’elle portait jouant avec son père. Morrigun pensait parfois aux dernières paroles de Maerendor, a ses désirs, ses promesses... 
Sans doute l’enfant ressentait il ces moments de flottement, il bougeait souvent en ces moments comme pour sortir sa mère de ses tourments. Morrigun posait alors la main sur son ventre et tout en tapotant le rythme chantait à nouveau une berceuse dunaelle.

Morrigun n’avait plus qu’un objectif, un seul désir: l’enfant. Tout tournait autour de cette naissance. Mais qu’est ce qu’un enfant en ces temps de barbarie? 
Une bouche à nourrir, une future victime, un nouveau bourreau? 
Morrigun se demandait souvent pourquoi MamDaear avait choisi ce moment pour la faire enfanter?
Etait ce une épreuve?
Peut être un soutient?

Morrigun avait déjà vu une mère laisser deux enfants derrière elle... Serait ce son tour?
Morrigun se demandait souvent ce qu’il adviendrait si elle venait a avoir l’enfant en Isengard? Elle se méfiait particulièrement de la fourberie de Carranog plus que de son maitre.
Tant qu’elle était enceinte, rien ne les motiverait à la tuer. Mais ensuite?

...

Le vieil homme se tenait dans la grande salle raide comme un “i”, face a une espèce de piédestal recouvert d’une lourde étoffe de velours cramoisi.

“Carranog, mon ami, il est temps pour vous de mander la venue de la ‘vieille femme de la montagne”

“Bien, maitre.”

“Votre épouse est presque à son terme et cette nuit j’aurai besoin de vous avant votre départ.

“Bien... Vous ne voyez rien de fâcheux pour “ma douce?”

Le vieil homme plongea son regard perçant dans celui de Carranog.

“Non, rien qui ne mérite que je vous en parle. Soyez juste près pour le milieu de la nuit, quand elle sera dans un sommeil profond”

...

Il est des nuits noires ou aucune lumière ne subsiste. Des sommeils si profonds que le dormeur en parait presque mort. Ce fut une de ces nuits, les silhouettes tournèrent autour du lit, des silhouettes viles et voutées sur la vie. Des doigts horribles glissèrent sur la peau mise a nue et l’enfant s’éveilla sous les doigts horribles. Seuls les éveillés pourraient témoigner de ce qui se passa cette nuit là.
Morrigun voyait la petite maison accrochée à la montagne, dehors jouait l’enfant sous le regard attendri de son père. Son visage était si flou, si loin qu’elle du s’en approcher.

“Bran? Est ce toi?”

Le père la regardait s’avancer vers lui en lui tendant la main pour qu’il la rejoigne.

“Bran? Est ce toi mon aimé?”

L’homme ne répondait pas.

Alors toujours Morrigun s’approchait.

“Meren, mon prince; est ce toi?

La main voulait glisser sur sa taille, mais toujours Morrigun s’approchait sans le rejoindre. Morrigun supplia.

“Fu gur, prends moi dans tes bras.”

Mais toujours le visage restait brouillé.

“Na, MamDaear! Achub fi!”
(Non Yavanna, Sauve moi)

Le cri déchira la nuit, Morrigun venait de voir le grand oeil et peut être une vision de l’avenir. Le visage venait de se dévoiler; le père aimant qui lui tendait la main était Carranog. 
Morrigun crispa les mains sur le lit pour se lever, le corps couvert d’une sueur acre et incommodante. Les deux silhouettes voutées comme des rapaces avaient disparu. A travers le fenestron une aube rouge comme le sang se dessinait à l’est tandis que la lune lançait à l’opposé ses derniers rayons au jour naissant.

“C’est un cauchemar, pas la réalité?”

Morrigun s’essuya le front d’un geste ample et papillonnant des paupières chassa les gouttes de sueur qui perlaient de son front. Elle avait passé l'écharpe brodée des fins cheveux blonds et serrai les poings sur le rebord du fenestron. Les rayons du soleil venaient baigner ses yeux d’une lueur étrange et maléfique et au coeur de ses deux pupilles brillaient encore l’éclat d’une étoile. Morrigun regarda le petit anneau d’or a son doigt comme elle en prenait souvent l’habitude dans son asile doré.

“Uduch un fu seren, Maerendor:
Ur unig beth sun umuneud âr bud u rhai buw.”
Uma, dim ond marwolaeth a fi uwr buwud.”

(Tu es mon étoile, Maerendor:
La seule chose qui me rattache au monde des vivants.
Ici, il n’y a que la mort et je suis la vie.)

Morrigun se toucha instinctivement le ventre cherchant une réponse de l’enfant qui glissa le long de sa main. Chacun de ces petits mouvements l’éloignaient de sa sinistre prison.

La porte résonna du bruit du verrou qu’on ouvre et l’on frappa avec force sur les lourdes lattes de bois.

“Ma douce, puis je entrer?”

Morrigun leva les yeux au ciel, dans une supplique a Rhi Helvarch pour qu’il emporte le gêneur d’une volée de flèches dans la tombe.

“Entre, larbin!”

“Hum, je suis venu te dire que je m’en vais…”

“Ne crois pas que je vais gémir et pleurer! Même si les vents me portent aux narines les relents de vos porcs a deux pattes, je ne céderai jamais un pouce de ma fierté devant vous.”

“Je vais chercher la “vieille femme de la montagne” pour toi, pour t’aider à enfanter.”

Morrigun fusilla du regard Carranog et se mit a rire.

“Parfait, la fête sera complète entre les deux timbrés et toi a mes cotés! Tu n’as donc rien compris, mon ami?
Je ne suis qu’un appât, ici. Et un appât quand on l’a utilisé; il en reste quoi à ton avis?
Jamais je ne serai ton épouse, sitôt l’enfant né et que mon époux sera en Isengard: ils me tueront sans pitié!”

“Mais non! Le Maitre m’a promis, ma douce!”

“Comment m’a t’il promis? Sur le dos ou le ventre?
Il m’a promis consentante?
Il m’a promis brisée et a moitié folle?

Il t’a promis une morte, Carranog!

Je n’ai qu’une étoile, mon coeur ne brule que pour un seul. Rien ici bas ne m'intéresse en dehors de mon époux! Si je ne suis plus, il ne sera plus là et l’inverse est vrai.”

Carranog attrapa violemment la main de Morrigun et essaya de lui prendre l’anneau d’or. Elle se débattit et réussit a libérer sa main pour serrer le poing et le lever vers le ciel.

“Ne t’avise plus de refaire ce geste, ou je te tue sans le moindre remord!”

Carranog grinça des dents et jeta un regard noir a Morrigun

“Alors si tu meurs, je serai celui qui sera a tes cotés et TON époux pourrira au soleil ou sera dévoré par les loups d’Isengard!”

“Des promesses, Carranog!
Moi je n’ai qu’une chose a faire: attendre.
Quoi qu’il se passe; Morrigun ne sera jamais à toi…”

Carranog tourna les talons et claqua violemment la porte, et le verrou fut a nouveau fermé.

“CHANTE et RIT ENCORE BELLE MORRIGUN.
TU FINIRAS PAR NOUS SUPPLIER!”


jeudi 14 février 2013

Une tête bien faite



Les larmes roulaient sur les joues de Morrigun comme des perles de pluie se perdant dans le fond du coffre. Elle ne savait si l’enfant battait des pieds ou des mains ou poussait de tout son être mais il était là et ressentait la peine profonde de sa mère; ou était ce autre chose? 
Chaque coup renforçait son sourire accroché sur ses lèvres.
Chaque larme tombait sur les têtes blondes des forgoils assassinés par ses frères, chaque larme diluant le sang collé au visage lavait l'indicible horreur de cette boucherie sans nom. 
Morrigun fixa un a un les visages de ses frères, mais étaient ils encore ses frères? 
Etre une dunlending était ce cela, fermer les yeux sur ces massacres?

“Comment?...”

Morrigun n’avait plus de mot et la voix envoutante du vieil homme avait cessé d’emprisonner ses pensées. Morrigun prit les cheveux d’une enfant et souleva la petite tête du coffre ou des dizaines d’autres avaient été déposée. 
Quel cadeau? 
Elle présenta le trophée a chacun de ses frères, nombre d’entre eux avaient des enfants; Morrigun pouvait se rappeler de chaque prénom et de chaque visage. 
Les petits Daen étaient ils si différent des petits forgoils? 
Morrigun avait encore du mal a chasser ce mot de son vocabulaire mais depuis sa rencontre avec son époux elle avait fait beaucoup de chemin pour ne plus céder a la haine qu’on avait instauré entre les deux peuples. Pas un seul de ses frères ne soutint le regard de Morrigun, sans doute avaient ils en tête les peines de leur soeur à enfanter.

Morrigun se retourna vers le Maitre des lieux, le flot de larme se tarissait. Elle présenta a bout de bras le visage de l’enfant devant le vieil homme. Le hen dun fronça les sourcils sur de la réponse de Morrigun.

“Dame Morrigun, je ne peux...”

“J’accepte ce cadeau, vieux fou. J’accepte ce cadeau pour qu’a chaque instant de ma vie, quand le doute m’envahira, je me rappelle ce que vous valez!”

Morrigun glissa la tête de la jeune enfant dans la main du vieil homme qui machinalement la prit.

“Carranog, reconduit moi dans ma chambre. Je n’ai plus rien a faire avec mon geôlier.”

Morrigun se dirigea vers la petite porte par laquelle elle était entrée.

“Dame Morrigun, n’imaginez pas m’avoir feinté! Vous êtes mon appât pour votre mari. Votre enfant en est un autre. Et que vous soyez morte ou non, votre époux finira par se rendre ici.
Vous avez déjà perdu cette bataille, vous le savez?
Epargnez vous des souffrances inutiles et laissez vous aller, Carranog ne sera pas un mauvais parti et votre enfant aura un bon tuteur en ma personne.”

La voix envoutante du vieil homme avait butté contre un mur dans l’esprit de Morrigun. Peut être était ce MamDaear qui se glissait entre elle et la perfidie du vieil homme?
Le vieux fou esquissa un mouvement de sa main vers le ventre de Morrigun, mais l’enfant bougea a nouveau, Morrigun accrocha du regard la main du vieux pervers sénile et d’un geste violent l’écarta de son passage.

“Allez toucher le ventre de vos orques et de vos abominations, vieux fou!
Faites moi déposer VOTRE CADEAU devant ma porte et ne me faites plus venir à vous sauf pour me tuer, votre présence me dégoute!”

Le vieil homme crispa la main sur son bâton en regardant Morrigun se diriger vers la porte.

“Carranog accompagnez votre future épouse dans ses appartements; la laisser seule errer ici serai de l’inconscience et je serai au désespoir de la savoir morte lors d’un malencontreux incident.”

Carranog salua son nouveau maitre et se glissa devant Morrigun pour la raccompagner.

“Morrigun, il va te tuer si tu continues. Cet homme est très puissant, ce n’est pas le derudh ou le brenin...”

“Le Derudh et le Brenin ne verse pas dans l’horreur. Ton ami, n’est qu’un suppôt de... De... De...”

“Ma douce, calme toi. Tu es a bout de nerf. Veux tu que je passe la nuit a tes cotés?”

Morrigun stoppa net sa marche et regarda son ami Carranog.

“Tu veux dormir comme un chien sur le palier de ma porte ou au pieds du lit? Tu penses m’amadouer en jouant les protecteurs? Je n’ai cure de ta protection et des menaces de ton maitre, veilles juste a ce que le cadeau soit devant ma porte demain.”

“Mais ma douce, que vas tu faire de ces horreurs?”

“Me souvenir d’eux... 
Reconduis moi à ma chambre.”

“Mais pourquoi, tu n’es pas responsable? Ce ne sont que des forgoils, n’est ce pas nos ennemis?”

“C’est peut être les tiens, mais plus les miens... Moi, mon ennemi est ici et celui qui me reconduit a ma chambre est l’un d’eux. Tu étais un ami Carranog, mais maintenant tu n’es plus qu’un gardien, un geôlier...”

Carranog frappa un grand coup de son poing dans le mur.
“Ce maudit dunedain! Il me sort par les yeux: que t’a t’il mis en tête?”

“Rien! Maerendor est mon époux, et il ne me met rien en tête! Et dis toi bien que si toi et ton vieux pervers sénile me gardez ici encore longtemps, alors il te fera sortir les yeux de la tête!”

“Des mots, des mots, il ne viendra pas pour toi, petite dunes du clan du sanglier.”

Morrigun le coupa sèchement.

“S’il ne vient pas pour moi, alors il viendra pour son enfant! SON enfant! Et quand bien même il viendrai a mourir, JAMAIS notre enfant ne sera le tien ni celui du vieux fou.”

“Des mots, des mots...”

“Mais tu peux encore sauver ta peau, Carranog. C’est a toi de décider. Et qui sait...”

Morrigun referma la porte de sa chambre au nez de Carranog et se plongea dans son lit après avoir grandement admiré son ventre rebondi qui semblait si calme maintenant.
Le lendemain elle entendit des bruits dans le couloir alors qu’on déposait le coffre a proximité de sa porte.

dimanche 10 février 2013

Tac o tac




“Oh Dame Morrigun, auriez vous eut une vision de l’avenir pour avoir eut l'obligeance de laisser choir Gil-Galad sur le sol?”

Le vieil homme souriait ce qui semblait provoquer le plus grand trouble chez Carranog. Celui-ci regardait Morrigun avec insistance en lui massant la nuque dans un geste machinal comme pour chasser une tension .

“Madau fu letchwithdod, dun. Ruduch chi wedi sunnu mi i groesawu dawel” 
(Pardonnez ma maladresse, homme. Vous m'avez surprise en me saluant sans faire de bruit.)

Morrigun intriguée par la disparition des éclats sur le sol s’accroupit en prenant soin de ne pas comprimer son ventre et de le mettre en avant. Elle ne semblait pas autrement incommodée de sa maladresse, et regardait le vieil homme de pieds en cape en se demandant si ce n’était pas le Magicien Blanc.

“Il faut la pard...”

Le vieil homme stoppa Carranog d’un revers de la main, lui intimant le silence. Son regard arpentait les courbes généreuses de la dunes avec un point de fixation tournant autour de sa région ombilicale.

“N’escomptez pas me perdre dans vos couinements de dunes, Morrigun. Je vis depuis assez longtemps auprès des vôtres pour les connaitre et parler le dunael.”

“Ie”  Morrigun poursuivit en westron avec tout le mal qu’on lui connait.

“Puis je parler en dunael, car je ne prends pas toujours bien la langue de mon époux. Et il est bien trop loin pour me faire toucher des doigts mes lagunes”

Le vieil homme acquiesça immédiatement, et on peut se demander pourquoi tant le westron de la dunes était châtré! Le vieil homme prit place sur un fauteuil près de la table sans enjoindre ses invités de l’y rejoindre.

“Alors mon bon Carranog, votre future épouse a t’elle trouvé son bonheur dans sa nouvelle garde robe?”

Le vieil homme a la barbe blanche regardait Morrigun scrutant chaque expression de son visage de son regard aiguisé.

“Elle ne semble pas sensible aux plus magnifiques de vos parures? Ou peut être, avons nous la affaire à une jolie rondeur qui ne sied a vos ceintures?” Le vieil homme dirigea son index d’un geste lent et majestueux vers le ventre de Morrigun.

“J’ai bien mangé au village pour mon retour voilà tout. Je suis un peu ballonnée. Et ne vous a t’on pas appris a ne pas montrer du doigt: c’est impoli!”

“Pirouette, jeune dunes! Dans votre état, c’est risqué.” Le vieil homme affichait un sourire moqueur.

Carranog suivait la conversation en balayant la pièce du regard passant de Morrigun au vieil homme.
“Vous pouvez m’appeler Morrigun, hen dun. Et moi comment puis je vous nommer?”

Le vieil homme a la barbe blanche, réfléchit un court instant et répondit avec une voix suave et envoutante.”

“Appelez moi Maitre, ma chère Morrigun. Ne suis je pas le Maitre des lieux?
Mais, je manque a tous mes devoirs! Avez vous faim? Puis je vous offrir quelque chose à boire?”

“Ie, je passerai bien a table. De plus votre feu, assèche ma bouche et me donne soif”

C’est bien connu, chez les vieux c’est toujours trop chauffé! Le vieil homme donna deux coups sur la table, d’un long bâton qu’il avait dû poser au préalable et un serviteur fit son entrée. Le vieil homme susurra quelques mots a l’oreille du serviteur et celui-ci disparu par une porte dérobée.

“Je vous dispenserai de goutter notre excellent vin d’Isengard pour cette fois, Dame Morrigun. Vos amis du clan du sanglier, qui sont ici, ont ramené de leur dernier raid en Rohan des tonneaux d’une hydromel non encore fermentée.
Vous plairait il de la gouter en leur compagnie?”

Morrigun regarda rapidement Carranog et lui demanda a voix basse:

“Ils sont ici, Carranog? Nos frères sont ici?”

Carranog acquiesça, l’air quelque peu chagriné de cet intérêt pour leurs frères et non pour lui.

“Ie, hen... Maitre.” Morrigun paraissait toute excitée a l’idée de voir ses frères envoyé il y a longtemps par le Brenin auprès du Magicien Blanc.

Carranog indiqua l’endroit ou s’asseoir a Morrigun et tout deux firent bientôt face au maitre des lieux. La table immense semblait bien déserte, elle qui aurait pu accueillir une bonne vingtaine de convives.

Le serviteur fit quelques aller-retours portant vins, pichets et victuailles sur la table entre les deux partis. Morrigun regardait le serviteur arpenter la salle en tout sens pour dresser la table. Carranog la regardant se demandait si elle ne finirai pas par en faire un torticolis.

“Ma douce, tu devrais regarder notre maitre ou bien moi. J’ai bien peur que l’agitation ne te tourne la tête.”

“Cesses de me prendre pour une enfant. Et je ne suis pas ta douce. Je suis la femme de Maerendor, pas la tienne!”

“Je ne vois pas ton époux?! Te cherche t’il, ma douce?”

“Cessez vos enfantillages!” Le vieil homme fit un signe au serviteur qui vint immédiatement servir Carranog en vin et Morrigun en hydromel bien fraiche. Puis une fois les invités servis, il proposa a son maitre du vin d’Isengard. Puis le vieil homme leva son verre et attendant que ses invités fasse de même, prit la peine de se lever.

“Comment dit on dans votre langue, pour porter un toast? 
...
Oui, ça me revient. 
Portons un toast pour un absent, voulez vous? 
Levez vous, son absence mérite d’être honoré!”

Morrigun et Carranog se levèrent et ce sans conviction pour cette dernière.

“Iechud da, Maerendor!”

Morrigun leva son verre un peu plus haut, tandis que Carranog souriait en admirant le profil charmant de ‘sa douce’.

“IECHUD DA, FU GUR! 
Ruduch bob amser un fu nghalon” (Tu es toujours en mon coeur)

Carranog grommela, le vieil homme se réjouit de la tension qu’il instaurait; quand a Morrigun: la morale réprouve a ce qu’on en dise plus!
Tous portèrent leurs verres aux lèvres sauf Morrigun qui versa dans un premier temps une bonne gorgée de liquide sur le sol.

“Ar gufer ein cundeidiau!” (Pour nos ancêtres!)

“Rhi Helvarch sicrhau eich bod un!” (Que Rhi Helvarch vous veillent)

Le vieil homme riait en son fort intérieur des pitreries mystiques de Morrigun. Les Daen avaient quasiment tout perdu de leurs us et coutumes originels. Sauron les avaient, bien avant les autres peuples dont on ne parlaient même pas encore, corrompu en partie. Les dunedains avaient quand a eux civilisé les clans les plus proche de leurs forts. Les Daen brandissaient encore parfois bien haut leurs anciens cultes, s’accrochant a des rites dont ils ne comprenaient parfois même plus le sens.

“Ces temps là sont finis ‘ma douce’, nous entrons dans une nouvelle ère ou bientôt les forgoils ne seront plus. Tu seras fière d’être au bras de ton homme, le puissant Carranog, brenin de nos anciennes terres”

Morrigun pouffa de rire: “Brenin Carranog, armé de son luth ou de sa harpe! Laisse moi rire, fu frind! Quel est l’idiot qui t’as mis ces bêtises en tête?”

“Dame Morrigun, vous êtes mon hôte! Restez a votre place, je vous prie” Le vieil homme répondit sèchement mais ses mots et sa voix semblaient avoir le charme des mélopées elfiques.

‘Ie, Maitre. Esgusoduch fi, hen dun” Morrigun reprit sa place sur la chaise et les deux hommes en firent de même.

“Bien dinons, il est bien temps. Peut être me parlerez vous de votre tendre époux Dame Morrigun. Vous semblez tant le porter dans votre coeur. Ainsi Carranog sera ce qui l’attend quand vous aurez oublié son visage et ses baisers.”

“Ie, Maitre: je vais vous parlez de Maerendor, mon tendre époux”

“Oui, dites m’en plus avant que son souvenir ne s’estompent comme celui de votre premier époux. Vous rappelez vous encore de son nom, Dame Morrigun? Ce brave dun, fils de brenin malencontreusement tué par des orques...”

Morrigun se figea, déstabilisée par la pique du vieil homme. 

“Bran” 

Morrigun envoutée par la voix du vieil homme livra une a une les informations sur sa vie et ses aventures depuis sa rencontre avec son époux. Le vieil homme donna ses derniers ordres au serviteur zélé et bientôt furent portés sur la table une bonne dizaine de bolée ainsi qu’un petit tonnelet de l’hydromel du Rohan.
Un à un les frères de clan de Morrigun entrèrent par une des portes dérobées de la pièce, saluant leur nouveau maitre ainsi que les deux convives. Deux des hommes portaient un grand coffre orné des chevaux du Rohan qu’ils déposèrent sur le sol à quelques pas de la table.

“Dame Morrigun, voyez comme les vôtres sont bien traités en Isengard.”

Morrigun regarda les siens, les guerriers de son clan envoyés par crainte bien plus que par adhésion vers le Magicien Blanc. Elle passa quelques instants en accolades en regardant les visages marqués par les combats et les raids incessants. Puis quand elle eut fait le tour des guerriers, les bolées furent remplies de l’hydromel et Morrigun refit le même geste. Pas un seul guerrier ne le fit.

“Dame Morrigun, j’ai un présent pour vous. Je ne doute pas que la dunes que vous êtes, attachée aux traditions, ne saura comment me remercier. Mais sachez que ce sont vos frères qui en sont les principaux auteurs. Aussi levons nos verres encore une fois pour honorer ces magnifiques guerriers de votre peuple!
Iechud da, rhufelur bonhedig!” (Santé, nobles guerriers!)

Les hommes prirent place derrière le coffre, Carranog et le maitre des lieux se tenant dans le dos de Morrigun

“Ouvrez Morrigun… Allez…”

Morrigun fit glisser le lourd fermoir du coffre et l’ouvrit d’un geste rapide, puis elle se releva en regardant le contenu. Une grosse larme roula sur sa joue accompagné d’un rire”

“MamDaear est ce un signe?”

Morrigun se toucha le ventre, sous sa main l’enfant donnait ses premiers coups à la vie. Les guerriers regardèrent dans le coffre vérifiant l’intégrité du butin que Morrigun regardait les larmes aux yeux et le sourire aux lèvres. Carranog détourna son regard du contenu tandis que le Maitre restait sceptique.

vendredi 8 février 2013

Le visiteur d'un soir


Morrigun suivait le garde qui semblait prendre un malin plaisir a faire tours et détours a travers le bâtiment. Il était vêtu à la mode dunlending, mais semblait ne plus avoir de clan ou du moins il n’arborait pas l’animal totem de son clan. Morrigun pensa a un de ces Allgraigs d’Enedwaith ou un bandit de Tharbad qui aurait rejoint les rang d’Isengard. 
A travers les fenestrons ou les meurtrières de la bâtisse Morrigun pouvait entendre le tintamarre ininterrompu des forges et des scieries ainsi que les grognements bestiaux et les claquements de fouet des ourouks. 

La robe glissait le long des jambes de la dunaelle à chaque pas en faisant voler la poussière et les cendres qui s’insinuaient partout. Morrigun ne croisa aucune femme, la place était uniquement peuplée d’hommes et des maudites créatures qui infestaient maintenant l’Isengard. Peut être était elle la seule en ce lieu?

Le hasard du parcours finit par les conduire au dehors dans une immense cour ou toute l’industrie de mort se tenait. Morrigun vit enfin les gigantesques puits et machines de levage qui crissaient et grinçaient en permanence. Les hordes de bras charriaient terre, bois et minerais au claquement des fouets et dans les beuglements des maitres. 
Au milieu de ce fouillis artisanal et chaotique des hommes, des gobelins ou des ourouks s’entrainaient avec ferveur au maniement des armes. Tout semblant d’humanité avait quitté l’isengard, ne restait qu’un creuset de haine et de destruction prêt a déverser sa furie en dehors.

Morrigun regrettait de n’avoir penser a prendre une mantille ou un châle car les premiers frimas automnaux commençaient a se faire sentir en cette heure avancée. Elle se frictionna les épaules en espérant un geste du garde, mais sans doute espérait elle trop du semblant d’homme qui la précédait.

Leur traversée de la cour les mena devant la lourde porte de la tour principale qui paraissait striée des suifs grasses qui s’échappaient des forges alentours. Deux gigantesques bipèdes a l’allure imposante encadraient la porte. Pas un mot ne semblait pouvoir sortir de leurs gorges, ce qu’il avait gagné en taille semblait l’avoir été au détriment d’autres facultés. La monumentale porte s’ouvrit sans un grincement en laissant passer Morrigun et son guide entre les deux imposants cerbères.

La douce chaleur des feux rassura Morrigun et fit disparaitre les premiers tressaillements de ses muscles. Le style, et la décoration des lieux, bien qu’aux antipodes de ses canons, indiquait que vivait ici un homme avec un tant soit peu de savoir vivre et civilisé. Le garde lui demanda de patienter dans un vestibule ou trônaient divers bibelots de grande valeur et anciens. Morrigun n’aimait pas ce genre de “cochonneries” inutiles qui prenaient de la place et prenaient la poussière et le gras. Appliquée a faire l’inventaire des nombreuses babioles environnantes elle ne trouva pas le temps long quand Carannog vint lui tenir compagnie et la fit passer dans une salle ou l’on pouvait diner. 

L’immensité de la salle et sa hauteur écrasèrent Morrigun, elle se sentit si petite et insignifiante qu’elle en resta un court instant immobile et silencieuse. Elle balayait du regard l’intégralité de la salle en espérant voir le fameux visiteur, mais en dehors des deux daen, personne n’arpentait cette salle immense.

“Il va venir. Ne t’inquiètes pas, ma douce”

Carannog prit la main de Morrigun dans la sienne et avant qu’il puisse l’attirer a lui, elle dégagea sa main d’un geste ferme et rapide.
Carannog ne se braqua pas et alla se servir un verre de vin d’une carafe magnifique posée en bout de table. 

“Ou est on, Carannog?”

Morrigun regardait le barde, le voyant faire comme s’il eut été résident depuis des lustres.

“En Isengard, ma mie!”

“Mais ou, en Isengard?”

“Dans une place forte, ça ne se voit pas” Carannog esquissa un sourire narquois.

Morrigun ne renchérit pas et porta son attention sur une magnifique pièce de cristal qui ornait la table. Elle savait pertinemment que Carannog se ferai un plaisir de la faire tourner en bourrique sur le sujet du lieu. Les daen avaient de fâcheuses habitudes de bonimenteur, marchandant et exaspérant leurs interlocuteurs afin d’en obtenir toujours plus. C'était une sorte de jeu dans lequel il prenait énormément de plaisir.
Morrigun souleva avec délicatesse la pièce de cristal et en admira les multiples reflets irisés qui donnait l’impression de vie à la figure. Morrigun n’aurait pu dire qui la figurine représentait, mais elle reconnu un elfe a la silhouette fine et au port altier. Elle représentait un guerrier, sans nul doute, armé de sa lance et d’un bouclier sur le dos.

“Regarde Carannog, comme elle est belle!

Regarde, la lumière qui luit dedans!”

Morrigun regardait la figurine avec les yeux d’une enfant devant l’apparition du père Yule. Elle faisait tourner la pièce dans sa main en regardant les reflets avec attention. Carranog avait fini par s’approcher ne sachant si oui ou non, il pouvait poser sa main sur “sa douce”.
Derrière eux le visiteur ne se manifesta pas immédiatement afin de les observer avant son entrée. Il regardait la mine réjouie et intriguée de Morrigun envers ce petit objet anodin alors que dans la pièce se trouvaient d’autres objets de bien plus grande valeur. Peut être Carranog se sentit appuyé par le visiteur car il entreprit de poser sa main sur la nuque offerte de Morrigun concentrée a faire danser la lumière sur la petite figurine. Morrigun sentit la main de Carannog dans ses cheveux mais ne fit aucun mouvement absorbé par la contemplation de l’objet.

“Dame Morrigun, Mon b...”

Morrigun tressauta et lâcha la petite figurine qui chuta sur le sol marbré de la pièce.

L’homme de sciences aurait sans doute pu décrire avec une infinité de détails et de calculs les mouvements de la petite pièce dans les airs. Sans doute aurait il émit quantité de théories sur cette chute et sur le bris ou non de la pièce d’art elfique. 
Pour Carannog la chute fut une éternité tant son appréhension fut grande quand à la réaction du visiteur et maitre des lieux. 
Pour le visiteur la chute dura sans doute moins longtemps que dans la réalité. Peut être même, eut il accéléré le temps pour voir la figurine de Gil-Galad se briser au sol.
Seule Morrigun gardait la notion du temps tel qu’il s'écoula. Tout juste eut elle le temps de tourner la tête vers l’homme qui venait de briser sa fascination pour le petit objet.

“..on Carranog!”

La figurine, par les lois universelles de la gravité, éclata sur le sol en une infinité de petits éclats qui s’éparpillèrent au sol avant de disparaitre.

Morrigun posa alors son regard sur le visage du vieil homme et suspendue a ses lèvres attendit la sentence.




mercredi 6 février 2013

Une robe simple et...


“Apprêtée et jolie?!

Mais il se fiche de moi!”

Morrigun tournait et virait comme un oiseau en cage. Ses cheveux dansaient a chaque changement de direction diffusant un doux parfum dans la pièce.

“Et pour qui?

Un troll, un ourouk, ou...

Non!” Morrigun se remémora les paroles de Carannog et devint livide.

Elle fronça les sourcils et se sentit pris de panique.

“Il est bien pire que les chants des elfes qui me retournent et me font dire n’importe quoi!

Pas lui! Fu gur, je t’en prie! Viens me chercher!”

Morrigun jeta au loin un regard par le fenestron, loin vers l’est à l’opposé de son époux.

“Pourquoi suis je sorti ce soir la?

Maudite idiote!

J’avais tout le temps de profiter de l’air du Pays! Il est en moi, j’aurai du attendre de parcourir la lande main dans la main avec fu tuwusog.

Idiote, idiote, maudite tête de pioche!”

Morrigun jeta un coup d’oeil circulaire dans la pièce cherchant un objet pouvant forcer la porte. Elle allait et venait, faisant venir a son front les premières perles de sueur qui s’écrasant sur le dallage traçaient ces incessants aller et retour chaotique.

“A quoi bon! Sitôt la porte franchie, il y aura les gardes et je ne connais pas les lieux!”

Morrigun serra sa main gauche faisant saillir le petit anneau d’or de son auriculaire et le regarda.

“Ne me donnes pas le pire...”

Elle porta la bague a son front et repris un peu son calme.

“La voix de l’arbre!” Morrigun se rappelait chaque songe en croyant y voir la solution a ce cauchemar éveillé.

“Agissons calmement! 

Je suis Morrigun, fille de Ianu et Fedul du clan Turch-Luth.

Je ne suis pas noble donc je ne vaux rien! Ce n’est pas ça qu’il voudra.

Je ne suis pas une grande guerrière: je fait tourner une masse et entaille les jarrets. Avec ça pour faire de moi un capitaine, c’est mal parti!

La forge? Non, il a déjà plein de sbires a l’oeuvre! Je ne suis pas la pour ça!.

Je ne suis quand même pas juste ici pour Carannog?”

Morrigun fit encore voler ses cheveux en chassant cette idée de la tête.

“Non!”

Si tenté qu’elle put encore être plus livide, Morrigun le fut sans doute.

“Maerendor, mon époux! Il veut mon mari, il est dunedain!

Mais pourquoi? A lui seul il ne ferai pas la différence sur un champ de bataille dans une nuée d’orque ou d’ourouks...”

Morrigun terrifiée par la venue du visiteur cherchait sans relâche la raison. L’anneau d’or tournait et virait a son doigt en faisant danser les reflets du feu de cheminée. Le soleil de couchait lentement et rien ne venait a l’esprit de Morrigun sur les raisons de son enfermement en isengard.

Elle se résigna a fouiller dans le coffre a sa disposition pour se vêtir. Elle faisait défiler devant ses yeux des robes magnifiques aux motifs parfois étranges en cherchant la parure la plus simple comme a son habitude.

“Simple et...”

Morrigun se figea la robe en main, elle pouvait entendre son coeur battre plus fort et le sang fourmiller dans ses mains. La robe s’affala sur le sol et elle resta quelques instants ainsi sans bouger comme si le temps n’avait plus d’emprise sur elle. Morrigun était sidéré, elle venait de comprendre enfin pourquoi le prestigieux visiteur voulait la voir elle, la si insignifiante dunes du clan Turch-lûth.

Morrigun s'assit sur le grand lit de Mallorne en fixant la robe simple et ample qu’elle avait laissé tomber sur le sol. Dans ses yeux le désespoir avait pris place; la révélation, l'évidence l’avaient assommé froidement. Si Morrigun avait été joueuse de carte, elle aurait une main faite des cartes les plus faibles. Le prestigieux visiteur jouait avec les atouts en main.

Morrigun enfila la robe et peigna ses cheveux, puis prit le temps de tresser ses cheveux comme lors des grandes cérémonies Dun. Elle déposa quelques gouttes de l’eau parfumé a la base de son cou et versa le contenu du petit flacon au contenu jaunâtre et malodorant dans le feu. Puis elle jeta violemment le flacon sur le sol afin de capter la curiosité d’un éventuel garde devant la porte.

Le verrou crissa, la porte miaula lors de l’ouverture et si Morrigun avait été une lionne: elle aurai rugit.

“JE suis prête! Allons y!” Morrigun avança vers le garde, cambrée et fière avec dans le regard la conviction de ceux qui ne peuvent reculer; ses yeux avaient retrouvés l’éclat de ces jours peu lointains ou rien ne pouvait l’atteindre.

“Mais, Il ne m’a...” Le garde se faufila devant elle.

Morrigun savait maintenant que pas un garde ne lèverai la main sur elle et que l’Hôte avait certes des atouts mais qu’elle pouvait faire durer la partie.




lundi 4 février 2013

La tour d'y voir


Je!

Je suis Morrigun
Rwu’n Morrigun

Ce furent mes premiers mots de westron prononcés presque correctement.

Je!

Je suis dans cette tour.
Suis je libre?
Je n’ai pas d’entraves, mais la porte est close.
Il n’y a de barreau au fenestron, mais la hauteur, elle même, est un barreau qui me retient.

De mon perchoir je vois l’Isengard, ce qu’il en reste.
Les fumerolles, les vapeurs et l’odeur qui montent de la plaine béante, me rappellent les odeurs de ma forge.
On brule du bois encore humide, on dresse des machines de siège avec un bois séché à grande hâte. Tout l’Isengard n’est plus qu’industrie de mort! Parfois le vent me porte le claquement d’un fouet, un râle d’agonie ou une clameur inhumaine.
La vallée était si belle autrefois.
Pourquoi suis je dans cette tour?
Je ne représente rien de valeur, pas même une monnaie d’échange.

Ce Carannog est fou! Fou d’amour depuis des années...
Suis je un bon parti? Je ne suis qu’une fille de forgeron.
Peut être est cela? Le forgeron est respecté chez nous.

Quelle folie: l’Isengard!
Que fait il ici, lui notre barde. Pourquoi m’a t'il amené dans les griffes du Magicien Blanc?

Morrigun reposa la plume et s’essuya les mains couvertes de taches d’encre grasse. Elle regarda l’air peu convaincue le torchon de parchemin qu’elle venait de gribouiller. Elle stoppa net la relecture prise d’un mal de mer en parcourant les lignes ondulantes de son écriture malhabile.

Brusquement on frappa a la porte et elle entendit le verrou grincer et cliqueter alors qu’on ouvrait la porte. 

“Morrigun?”

“Non, je suis Galadriel!”

Morrigun tournait le dos a la porte, jetant un regard au fenestron dans lequel son arrière train serait sans doute resté coincé si l’idée de passer a travers avait germé dans sa tête.
Malgré son absence, elle n’avait pas eut de mal a reconnaitre la voix de Carannog.

“Qui crois tu avoir enfermé?”

Carannog posa ses mains sur les épaules de Morrigun et respira l’odeur de ses cheveux.

“Tu as trouvé ton bonheur, dans les coffres pour te vêtir...

Et cette eau parfumé te convient a ravir...

Ma douce.”

Morrigun se dégagea de l’emprise du barde pour lui faire face. Pas une once de colère ne venait déformer les traits de son visage. Elle plongea ses yeux glaz dans ceux de Carannog et lui sourit.

“C’est impossible, mon ami. 

Tu le sais?

Je ne t’ai jamais aimé que comme un ami. 

Tu le sais?

Combien de temps avons nous passé ensemble a jouer de la musique?”

Carannog soupira et s'apprêtant a répondre fut coupé par sa captive.

“Ne crois tu pas que j’aurai déjà avoué mes sentiments pour toi dans ce cas?”

Carannog se renfrogna:

“Le dunedain ne viendra pas te chercher ici. 

Tu le sais.!?

Personne ne ressort de l’Isengard!

Tu... Es... A... Moi!

Maintenant”

Carannog laissa planer le silence affichant un large sourire.

Morrigun serra les poings et jetant un regard à travers le fenestron:

“Un hutrach un maru!”

“Si tu le veux, alors j’ai ceci pour toi.” 
Ce faisant Carannog déposa, sur la table de la chambre avec vue, une petite fiole aux reflets jaunâtres.

“Tu vois j’ai même pensé a te faire venir un bodhran du pays, si le coeur te dit de jouer un peu avec moi.”

Morrigun attrapa le bodhran et le fit valser dans le feu.

“Hors de ma vue, Carannog!”

Le barde referma prestement la porte derrière lui et murmura à la porte.

“Soit jolie et avenante ce soir, car tu auras la visite d’un homme prestigieux

Tu ne voudrais pas que notre visiteur ait une mauvaise opinion des femmes de dunadan?

Enfin... Feu, femme de dunedain...”

Morrigun entendit rire Carannog alors qu’il descendait les marches.

Morrigun prit la fiole dans sa main et regarda le contenu puis décapuchonna le récipient. Une odeur infecte vient lui irriter les narines.

“Et bien, ce n’est pas la mort douce!”

Elle referma la fiole et la posa bien en évidence sur le linteau de la cheminée.

A cette heure tardive, Morrigun pouvait apercevoir la gigantesque ombre de la tour principale d’orthanc inonder la bâtisse ou elle devait être. 

“Maudit Carannog! Qui t’as lavé le cerveau a ce point pour faire le jeu de l’ennemi?

Moi, moi. Cet imbécile le fait pour moi!?

Ou est donc l’âge tendre qui nous voyait danser et chanter?

Maudite tête de bois, Carannog!”

Morrigun accompagna sa pensée d’un coup de poing sur la table, elle aussi de bois.

Carannog l’avait trainé du village jusqu’en Isengard. Morrigun l’avait suivi par curiosité dans un premier temps. Carannog était tellement excité a l’idée de lui montrer quelquechose. Les premiers pas l’avaient rassuré car ils avaient emprunté la petite sente qui menait a la pierre levée de son premier époux. Mais la suite n’avait été qu’un traquenard grossier et facile, tant Morrigun avait confiance en ce coeur, certes épris d’elle mais qu’elle croyait inoffensif.
Il avait été facile ensuite d’amener Morrigun loin du village en Isengard, sous bonne garde et dans un relatif confort.