dimanche 17 février 2013

Dros u Buw!


Il est des matins sereins ou rien ne peut plus vous atteindre, ou l’horizon bien que toujours identique vous parait différent.
Ce matin là était arrivé pour Morrigun, dans ses prunelles s'élevaient les premières fumées épaisses des forges et des buchers d’Isengard. Du haut de son perchoir elle avait une vue admirable sur la machine de guerre d’isengard. Finalement, elle s’était accommodé de cette vue.

Morrigun avait fini par trouver des occupations; elle avait pris un malin plaisir à découper les robes offertes pour en faire des langes et des vêtements pour son enfant. Des têtes offertes, elle avait récupéré les cheveux, pour les tisser dans une écharpe qu’elle portait en permanence à son coup ou nouée à sa taille. Chaque fois qu’elle voyait un daen dans la cour ou du haut du fenestron elle serrai dans sa main l’étoffe en murmurant.

“Dudu i dim un eu hoffi;
Mamdaear sy'n madau.”

(Je ne suis pas comme eux;
Que Mamdaear les pardonne.)

Le temps passait infini dans ce petit havre de paix en Isengard. Morrigun avait toujours un sourire pour ses geôliers, pour les orques et même les ouargues de passage. Souvent on l’autorisait a descendre dans la cour prendre l’air frais. En fait personne ne sait pourquoi, elle y était autorisé. Sans doute le vieux fou avait eut pitié d’elle ou était ce une ruse de sa part pour la confronter à la dure réalité des choses: jamais elle ne pourrait partir. 

Les jours passaient, un à un sans que Morrigun les compte. Morrigun avait finalement accepté les instruments de Carranog et jouait souvent seule des berceuses. Parfois, quand la rancoeur a l’égard de son ami était en berne: ils jouaient ensemble quelques pièces du passé, de leur enfance. Ils partaient alors parfois en de grands éclats de rire en songeant a ces moments heureux. Souvent ces moments de complicité était tenu en échec par l’insistance de Carranog. Ses mots doux buttaient contre la ténacité de “sa douce”, et Morrigun mettait un terme a l’entrevue. Carranog espérait encore, insistant sans doute poussé par son maitre ou ses pulsions.

Morrigun avait rarement le vague à l’âme, dans sa tête un bouillonnement incessant de scenari défilaient. Elle y voyait le pire comme le meilleur. Le meilleur était le terme de tout ceci, la petite maison accrochée à la montagne et l’enfant qu’elle portait jouant avec son père. Morrigun pensait parfois aux dernières paroles de Maerendor, a ses désirs, ses promesses... 
Sans doute l’enfant ressentait il ces moments de flottement, il bougeait souvent en ces moments comme pour sortir sa mère de ses tourments. Morrigun posait alors la main sur son ventre et tout en tapotant le rythme chantait à nouveau une berceuse dunaelle.

Morrigun n’avait plus qu’un objectif, un seul désir: l’enfant. Tout tournait autour de cette naissance. Mais qu’est ce qu’un enfant en ces temps de barbarie? 
Une bouche à nourrir, une future victime, un nouveau bourreau? 
Morrigun se demandait souvent pourquoi MamDaear avait choisi ce moment pour la faire enfanter?
Etait ce une épreuve?
Peut être un soutient?

Morrigun avait déjà vu une mère laisser deux enfants derrière elle... Serait ce son tour?
Morrigun se demandait souvent ce qu’il adviendrait si elle venait a avoir l’enfant en Isengard? Elle se méfiait particulièrement de la fourberie de Carranog plus que de son maitre.
Tant qu’elle était enceinte, rien ne les motiverait à la tuer. Mais ensuite?

...

Le vieil homme se tenait dans la grande salle raide comme un “i”, face a une espèce de piédestal recouvert d’une lourde étoffe de velours cramoisi.

“Carranog, mon ami, il est temps pour vous de mander la venue de la ‘vieille femme de la montagne”

“Bien, maitre.”

“Votre épouse est presque à son terme et cette nuit j’aurai besoin de vous avant votre départ.

“Bien... Vous ne voyez rien de fâcheux pour “ma douce?”

Le vieil homme plongea son regard perçant dans celui de Carranog.

“Non, rien qui ne mérite que je vous en parle. Soyez juste près pour le milieu de la nuit, quand elle sera dans un sommeil profond”

...

Il est des nuits noires ou aucune lumière ne subsiste. Des sommeils si profonds que le dormeur en parait presque mort. Ce fut une de ces nuits, les silhouettes tournèrent autour du lit, des silhouettes viles et voutées sur la vie. Des doigts horribles glissèrent sur la peau mise a nue et l’enfant s’éveilla sous les doigts horribles. Seuls les éveillés pourraient témoigner de ce qui se passa cette nuit là.
Morrigun voyait la petite maison accrochée à la montagne, dehors jouait l’enfant sous le regard attendri de son père. Son visage était si flou, si loin qu’elle du s’en approcher.

“Bran? Est ce toi?”

Le père la regardait s’avancer vers lui en lui tendant la main pour qu’il la rejoigne.

“Bran? Est ce toi mon aimé?”

L’homme ne répondait pas.

Alors toujours Morrigun s’approchait.

“Meren, mon prince; est ce toi?

La main voulait glisser sur sa taille, mais toujours Morrigun s’approchait sans le rejoindre. Morrigun supplia.

“Fu gur, prends moi dans tes bras.”

Mais toujours le visage restait brouillé.

“Na, MamDaear! Achub fi!”
(Non Yavanna, Sauve moi)

Le cri déchira la nuit, Morrigun venait de voir le grand oeil et peut être une vision de l’avenir. Le visage venait de se dévoiler; le père aimant qui lui tendait la main était Carranog. 
Morrigun crispa les mains sur le lit pour se lever, le corps couvert d’une sueur acre et incommodante. Les deux silhouettes voutées comme des rapaces avaient disparu. A travers le fenestron une aube rouge comme le sang se dessinait à l’est tandis que la lune lançait à l’opposé ses derniers rayons au jour naissant.

“C’est un cauchemar, pas la réalité?”

Morrigun s’essuya le front d’un geste ample et papillonnant des paupières chassa les gouttes de sueur qui perlaient de son front. Elle avait passé l'écharpe brodée des fins cheveux blonds et serrai les poings sur le rebord du fenestron. Les rayons du soleil venaient baigner ses yeux d’une lueur étrange et maléfique et au coeur de ses deux pupilles brillaient encore l’éclat d’une étoile. Morrigun regarda le petit anneau d’or a son doigt comme elle en prenait souvent l’habitude dans son asile doré.

“Uduch un fu seren, Maerendor:
Ur unig beth sun umuneud âr bud u rhai buw.”
Uma, dim ond marwolaeth a fi uwr buwud.”

(Tu es mon étoile, Maerendor:
La seule chose qui me rattache au monde des vivants.
Ici, il n’y a que la mort et je suis la vie.)

Morrigun se toucha instinctivement le ventre cherchant une réponse de l’enfant qui glissa le long de sa main. Chacun de ces petits mouvements l’éloignaient de sa sinistre prison.

La porte résonna du bruit du verrou qu’on ouvre et l’on frappa avec force sur les lourdes lattes de bois.

“Ma douce, puis je entrer?”

Morrigun leva les yeux au ciel, dans une supplique a Rhi Helvarch pour qu’il emporte le gêneur d’une volée de flèches dans la tombe.

“Entre, larbin!”

“Hum, je suis venu te dire que je m’en vais…”

“Ne crois pas que je vais gémir et pleurer! Même si les vents me portent aux narines les relents de vos porcs a deux pattes, je ne céderai jamais un pouce de ma fierté devant vous.”

“Je vais chercher la “vieille femme de la montagne” pour toi, pour t’aider à enfanter.”

Morrigun fusilla du regard Carranog et se mit a rire.

“Parfait, la fête sera complète entre les deux timbrés et toi a mes cotés! Tu n’as donc rien compris, mon ami?
Je ne suis qu’un appât, ici. Et un appât quand on l’a utilisé; il en reste quoi à ton avis?
Jamais je ne serai ton épouse, sitôt l’enfant né et que mon époux sera en Isengard: ils me tueront sans pitié!”

“Mais non! Le Maitre m’a promis, ma douce!”

“Comment m’a t’il promis? Sur le dos ou le ventre?
Il m’a promis consentante?
Il m’a promis brisée et a moitié folle?

Il t’a promis une morte, Carranog!

Je n’ai qu’une étoile, mon coeur ne brule que pour un seul. Rien ici bas ne m'intéresse en dehors de mon époux! Si je ne suis plus, il ne sera plus là et l’inverse est vrai.”

Carranog attrapa violemment la main de Morrigun et essaya de lui prendre l’anneau d’or. Elle se débattit et réussit a libérer sa main pour serrer le poing et le lever vers le ciel.

“Ne t’avise plus de refaire ce geste, ou je te tue sans le moindre remord!”

Carranog grinça des dents et jeta un regard noir a Morrigun

“Alors si tu meurs, je serai celui qui sera a tes cotés et TON époux pourrira au soleil ou sera dévoré par les loups d’Isengard!”

“Des promesses, Carranog!
Moi je n’ai qu’une chose a faire: attendre.
Quoi qu’il se passe; Morrigun ne sera jamais à toi…”

Carranog tourna les talons et claqua violemment la porte, et le verrou fut a nouveau fermé.

“CHANTE et RIT ENCORE BELLE MORRIGUN.
TU FINIRAS PAR NOUS SUPPLIER!”


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